Après une année universitaire 2019-2020 très perturbée par le coronavirus, le retour des quelque 78 500 inscrits doit se faire de manière échelonnée.

Attendre, attendre… ils n’en peuvent plus. Lunettes sur le nez, Bokar Demba, s’énerve de voir sa rentrée s’éloigner comme un mirage. « Nous n’avons rien fait depuis plus de cinq mois, plaide le jeune homme. C’est trop compliqué d’avoir une bonne connexion Internet et de suivre les cours en ligne, surtout dans les régions. »

Dans le hall de la faculté de sciences de l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, assis sur les marches, deux étudiants de première année de master de physique tuent le temps, dépités de devoir encore attendre jusqu’à jeudi pour avoir enfin une date de rentrée. Avec l’annonce de la réouverture officielle des universités ce 1er septembre, ils se voyaient déjà dans les amphis. Comme Bokar Demba.

Alors ce mardi, ils sont nombreux à être venus se renseigner en direct, et à se retrouver à errer dans les allées que des agents sont en train de désherber. Un peu comme le jour où, à la mi-mars, après le premier cas de nouveau coronavirus déclaré dans le pays, tous ont dû rapidement quitter les lieux. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts et la vie reprend peu à peu ses droits.

Investissement dans la fibre optique

Prudemment. Car, pour éviter une reprise de l’épidémie, qui a touché environ 13 500 personnes et provoqué 284 décès dans le pays, les autorités universitaires ont opté pour une reprise graduelle dans pratiquement toutes les universités. Il s’agit d’abord de terminer l’année 2019-2020 trop tôt arrêtée en la prolongeant jusqu’en décembre avec un étalement des cours. « Les étudiants voulaient une reprise globale, mais il est impossible de tous les accueillir en même temps en respectant les gestes barrières et les distances physiques », explique Moustapha Sow, directeur de la communication de l’UCAD.

Dans l’université publique de Dakar, seuls les étudiants en troisième année de licence et première année de master sont pour le moment attendus sur le campus pédagogique et social, soit seulement 20 000 étudiants sur les 78 500 inscrits. Les étudiants en deuxième année de licence et deuxième année de master, eux, ne reprendront pas les cours avant le 15 octobre, avant de laisser à leur tour la place à ceux de première année de licence à partir du 15 novembre.

« Ce sont là les grandes lignes de la reprise, mais les établissements et facultés sont ensuite autonomes pour décider du calendrier exact de reprise des cours en présentiel », précise Moustapha Sow. Si quelques étudiants, notamment ceux de droit et de sciences, pourront suivre des cours en présentiel dès cette première quinzaine de septembre, le gros des effectifs rentrera ensuite. « Une bonne partie des étudiants n’est pas encore revenue à Dakar et il nous faut aussi du temps pour organiser des groupes et les répartir entre plusieurs amphithéâtres afin de respecter la distanciation physique », détaille Mamadou Sidibé, doyen dont la faculté a investi 3,5 millions de francs CFA (5 300 euros) dans la fibre optique pour que les cours des professeurs soient filmés et retransmis en même temps dans d’autres salles.

Si le doyen se veut optimiste sur la capacité des étudiants à respecter les gestes barrières, en plus des « 20 000 masques à leur distribuer » et de la désinfection les locaux, une partie des enseignants a du mal à cacher leur inquiétude. Comment les mesures de prévention pourraient-elles être effectives alors que les infrastructures sanitaires sont insuffisantes et les amphithéâtres, trop petits par rapport au nombre d’étudiants.

« Menace pour notre santé »

C’était d’ailleurs un sujet récurrent dans cette université dakaroise comme ailleurs dans le pays. Chaque année, des protestations se font entendre sur le manque de moyens, sur un nombre d’étudiants qui ne cesse d’augmenter alors que la capacité d’accueil, elle, n’a pas varié. Avec le Covid-19, le problème est devenu encore plus crucial. Il ne s’agit plus de confort d’études, mais de sécurité sanitaire. « Même opérer une rentrée étalée ne suffira pas », craint le secrétaire général de la section enseignement supérieur du syndicat Sudes, Omar Dia, pour qui il sera très difficile de « faire respecter les gestes barrières ». « Si les enseignants sont exposés à des contaminations, nous ferons prévaloir leur droit de retrait, qui s’applique lorsque votre lieu de travail représente une menace pour votre santé », prévient-il d’ores et déjà.

A la faculté de médecine, les étudiants se sont pourtant battus pour que tous, tous niveaux d’études confondus, puissent retrouver les bancs de l’université. « Chaque fac peut s’adapter en fonction de sa situation et de ses besoins, et celle de médecine, avec ses 4 000 étudiants, a suffisamment de salles pour que tout le monde revienne en présentiel », explique Cheikh Ahmadou Bamba Faye, président de l’Amicale des étudiants de la faculté de médecine, de pharmacie et d’odontologie.

Une décision qui a soulagé Marieme Paullelle Niane, étudiante en cinquième année, effrayée à l’idée d’une année blanche. « Nous pouvons maintenant espérer commencer l’année 2020-2021 en janvier prochain », ambitionne la jeune femme, qui a déjà hâte de recommencer les travaux pratiques. Et de retrouver vraiment sa vie d’étudiante.

Source : Lemonde.fr